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Le billet du 29 septembre 2017
Le centre dans tous ses états
Hier, sur un forum Internet que je fréquente affectueusement, j’ai été le témoin d’une querelle de langage entre centristes de tout bord pour fixer définitivement cette zone mouvante qu’on appelle « Centre de la France ». Chacun, dans ses échanges, revendiquait sa définition au risque de faire perdre le nord à la petite planète de cette communauté.
En tant qu’ex-topographe, je me devais de m’intéresser à cette épineuse question. Ne serait-ce que pour honorer une profession qui, bienfaitrice de l’humanité, s’est toujours montrée dévouée à quadriller les territoires pour que chacun y trouve une place harmonieuse.
Comme je m’en doutais, l’Internet me confirma que notre officiel Institut Géographique National (I.G.N.) avait déjà abondamment contribué à éclaircir sur ce sujet toutes les obscures incertitudes.
Vous avez dit « éclaircir » ?
Oublions les errements des topographes de jadis – limités dans leur capacité à mesurer juste quand c’était grand – et les fluctuations de nos frontières.
Pour faire un résumé court, il apparaît qu’il y a trois manières d’appréhender ce centre fugitif.
- C’est le centre du plus grand cercle entièrement contenu à l’intérieur de nos frontières. Dans ce cas son centre est le point le plus éloigné de la frontière la plus proche. Vous me suivez ?
- C’est le centre du plus petit cercle contenant tout notre territoire. Dans ces conditions, le centrisme se doit d’englober les terres les plus extrêmes et qui se trouvent être aux confins du Finistère, du Bas-Rhin et des Alpes -Maritimes. Le centre devient donc le plus proche de ces trois brebis les plus égarées. Vous me suivez toujours ?
- Notre centre, qu’on croyait simple, est en fait un barycentre. On s’attelle tout d’abord à localiser les centres de gravité de nos 36500 communes et on en fait ensuite une moyenne en pondérant chaque localisation par la surface de la commune. Vous croyez me suivre ? Pas sûr ! On apprend que les périmètres des communes considérés ne sont pas ceux bêtement cartographiés à plat – que vous pourriez mesurer sur votre table de cuisine – mais délimitent bien des portions de surface de notre cher ellipsoïde, cette sphère aplatie juste ce qu’il faut pour qu’elle colle au mieux avec la forme de notre bonne vieille terre. Encore plus fort, on découvre qu’on sait faire prendre en compte à cette pondération « les masses émergées intégrant les volumes ». Nous voilà donc capables, dans cette pesée, d’apprécier tous les degrés qui vont du plus charmant de nos vallons à la plus imposante de nos montagnes. On reste pantois devant la gravité avec laquelle on a considéré la chose !
« Quo non ascendam ? » pourrait revendiquer le génie humain. Cette troisième méthode me réjouis l’esprit ; j’y vois clairement la patte des géodésiens de l’I.G.N. prompts à s’exalter dès qu’il s’agit de pinailler le pouième.
Et c’est pas fini.
Il reste encore à décliner ces trois principes en de multiples variantes selon que l’on considère comme patriotes : les lézards de Port-Cros, les cormorans des Glénans, les lapins de Tombelaine et tous les habitants de nos charmantes îles côtières.
Autant de choix qui mériteraient référendum et pourraient même devenir explosifs si on les étendait aux insularités australo-orientales de nos amis corses.
Voilà donc pourquoi le centre de la France reste insaisissable et continuera de vagabonder entre l’Indre, le Cher et l’Allier, sortant de l’ombre sur son trajet autant de petits villages paisibles.
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