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Atelier d’écriture lundi 03 novembre 2025
FOULARD
Un foulard autour du cou, c’est une coulée de bien-être qui irradie sa chaleur contre les morsures du vent.
Je viens de passer six jours avec un foulard autour du cou.
Pour les vacances de Toussaint, nous avions réservé un gîte communal, aménagé dans les anciens bâtiments de la mairie et de l’école des filles d’un obscur village du Perche. Un îlot du passé, encore clôturé en bord de route par ses murs à pilastres et ses grilles rouillées, brouillant à peine une vue imprenable sur les labours.
C’est ainsi que nous cultivons, deux ou trois fois par an, ces temps de retrouvailles avec nos enfants et nos petits-enfants. Juste quelques jours à vivre en commun, tenus ensemble par le tissage des liens qui nous unissent.
La première épaisseur, ce sont nos enfants, accompagnés des âmes-sœur qu’ils ont choisies pour traverser la vie. A les voir maintenant, endosser les mêmes rôles de parents que ceux que nous avons tenus, ils nous apportent la chaleur réconfortante de la continuité. Bien sûr, ils le font avec leurs répliques et leurs décors mais les interrogations et les doutes restent les mêmes avec leurs cortèges de joies et d’épuisements.
La deuxième épaisseur, ce sont nos petits-enfants qui apportent avec eux la caresse de la soie. Il y a les deux grands qui du haut de leurs trois et quatre printemps réclament leurs voix au chapitre dans le concert des discussions, avides de tout capter et de tout reproduire en y ajoutant les couleurs de leur imaginaire bariolé.
Cette année il y avait en plus, comme un molleton, les deux petits derniers, tout neuf et tout poupon. Si forts de leurs fragilités, si désarmant par la confiance qu’ils accordent qu’on se demande toujours comment le monde peut devenir si méchant en vieillissant.
Bien sûr, que surviennent les pleurs inconsolables, les drames épouvantables des plaisirs contrariés et l’étoffe devient rêche qui irrite un peu l’épiderme de nos raisons d’adultes. Mais, ce n’est que la lutte éternelle de la musique et du bruit. Toutes ces vies qui nous enveloppent, réchauffent nos épaules et soulagent nos nuques, empesées d’avoir porté des têtes qui ont compté déjà tant d’hivers.
Au milieu de ces tourbillons de galopades, de rires, de bavardages, on se laisse porter par ces houles de jeunesses avec la paresse bien-heureuse de ceux qui ne sont plus à la manœuvre.
Hermès, tu peux te les « carrés » où tu veux, ton luxe et ton élégance ! Tu peux même – dernier avatar du snobisme – en dégarnir les charmantes épaules féminines pour les accrocher, en colifichet, aux anses de leurs sacs : je m’en moque !
Plutôt que toutes tes œuvres d’art inabordables, je préfère m’entortiller le cœur dans des bonheurs tout simples.
Chic ! J’ai porté le foulard pendant six jours.
Ouf ! Me voilà à nouveau le col libre, ravi par la fraîcheur vivifiante.
Dans notre maison calme, nous avons replié le foulard au fond du tiroir, sous les habitudes de notre vie bien rangée.
Il attendra Noël pour nous livrer à nouveau ses plaisirs.
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