temps de lecture 8 mn
Dans un premier temps j’ai été très fier d’avoir réussi à écrire une fiction; pour moi, c’était une première !
Une fois l’euphorie de la création retombée, mon estime reste plus modeste. A bien y regarder, cette fiction est truffée d’allusions à des faits bien réels, puisés dans l’actualité…
Atelier d’écriture 04/11/2024
CONTE, COMPTE, COMTE
Il était une fois un prince qui s’appelait Manolo et qui régnait sur une contrée fort, fort lointaine : la Macaronie.
Comme tous les souverains, le prince Manolo faisait battre sa monnaie mais il avait décidé que ses pièces à lui, au lieu d’être plates, seraient rondes comme des billes et qu’on les appellerait des écots.
Le prince se targuait en effet d’avoir été savamment instruit en écot-manie par la lecture d’innombrables grimoires rédigés par les meilleurs écots-maniaques qu’on put trouver. Convaincu en particulier par une théorie qui voulait que les écots se multiplient en ruisselant les uns sur les autres, il avait fait disposer la moitié de son trésor en trois gros tas, hauts de 60 pieds, dans la cour de son palais. Au milieu d’eux, la tour d’ivoire qui lui servait de bibliothèque et de lieu d’étude s’élevait elle à 80 pieds de hauteur et se terminait par trois élégantes gargouilles en or fin. Dans les caves de son palais, une grande citerne contenait l’autre moitié du trésor du prince.
Tous les jours et après d’interminables calculs, le prince lui-même ajustait le débit de la pompe à finance qui faisait monter les écots le long des tuyaux depuis la citerne jusqu’aux gargouilles de la tour d’ivoire pour les déverser aux plus hauts sommets des tas. Cette pluie d’écots tout rond, dévalait en sonnant et en trébuchant le long des pentes et se multipliait par une parthénogenèse mystérieuse selon les lois doctement établies par les écots-maniaques.
Tout en bas, dans la cour du palais, une armée de petits secrétaires des tas comptaient et recomptaient les écots qui avaient roulé jusqu’au sol et en transmettaient tous les soirs le total au ministre des comptes. Ce dénombrement étant fait, les petites billes étaient versées dans un système complexe de grilles tarifaires à maille variable. Une petite part s’écoulait alors par des rigoles à l’extérieur du palais pour les besoins et les plaisirs du bon peuple, le reste retournait dans la citerne pour constituer ce que le prince avait baptisé « son fond de roulement ».
Or, il advint pourtant qu’un matin, les gargouilles ne voulurent plus cracher rien d’autres que quelques maigres fifrelins. Le prince eut beau pousser les manettes et tourner les boutons de la pompe à finance dans tous les sens, rien y faisait, les cadrans frémissaient à peine. Il appela sur le champ son ministre des comptes.
– Bruno, mon fidèle, mon ministre, que se passe-t-il ? Pourquoi mes gargouilles ne crachouillent-elles plus que quelques écots par-ci, par-là ?
– Mon prince, il y a que la citerne au trésor est presque vide.
– Comment-ça vide ? Avec tout ce que j’ai fait ruisseler, au contraire, elle devrait déborder !
– Prince Manolo, je vous avais prévenu, à trop brancher vos aspirations sur la pompe à finance, une dette s’est creusée au fond de la citerne où est tombé votre trésor.
– Ah ! Bruno, vous êtes désagréable ce matin. Que me chantez-vous, je connais mes formules et mes calculs sont justes. C’est vous qui aurez mal ajusté vos grilles et laissé filer trop d’écots vers mon bon peuple.
– Votre bon peuple est mécontent, mon prince. Ne l’entendez-vous pas gronder sous vos fenêtres ?
– Si fait ! C’est donc cela ce bourdonnement… et que veulent-ils tous ces braves gens ?
– Ils réclament une retraite.
– Une retraite ? La belle affaire ! Mais donnez leur donc des flambeaux et qu’on en finisse.


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