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Atelier d’écriture 02/12/2024

ELUCUBRATION

Laissez-moi vous raconter ce que je sais de la genèse des élucubrations.

Leur naissance est une histoire assez nébuleuse mais qui ne manque pas de gravité. En effet, et peut-être vais-je vous l’apprendre, les élucubrations sont nées au cœur des étoiles.

Pour leurs géniteurs, on m’a parlé d’une armée de protons amoureux, tellement énervés par leurs promiscuités, qu’ils ne rêvaient que de fusionner et de se réduire en purée.

Parmi toutes les élucubrations qui naquirent de cette orgie nucléaire, il y en avait cinq qui étaient particulièrement turbulentes. Elles s’appelaient Carbone, Oxygène, Azote, Phosphore et Soufre.

Celles-là ne rêvaient que de tout révolutionner et de tout chambouler, elles menaient un tel tapage que les esprits s’échauffaient au point que les étoiles, dans de grandes explosions de colère, les envoyaient aux milliards de coins de l’univers.

Pour les élucubrations, ce furent des enfances bien malheureuses ; toutes petites, toutes esseulées, lancées à une vitesse affolante vers le n’importe où, au milieu du rien… Et cela dura plusieurs éternités.

Le plus incroyable, c’est que dans ce vide sidérant, elles arrivaient parfois à se retrouver, comme les cousins du Club des Cinq pendant les vacances. Et alors là, ça les reprenait de plus belle, il fallait qu’elles cogitent, les élucubrations, c’était plus fort qu’elles. Leur nouvelle marotte, c’était de vouloir inventer la vie, mais elles ne savaient pas trop comment s’y prendre, ni où se mettre.

Un jour, dans la nuit glacée et éternelle, elles virent arriver une minuscule toute petite boule bien ronde qui flottait au milieu du rien. C’était tout bleu, ça avait l’air sucré, il devait y faire bon. Elle était tellement attirante cette petite boule, qu’elles finirent par tomber dessus.

Alors là, ce fût le Graal ! Ça bouillonnait partout dans tous les sens. Elles inventaient plein de trucs bizarres, des machins qui ne servaient à rien, des bidules mal finis. Dès fois, la petite boule bleue s’énervait que toutes ces vies lui chatouillent la surface, alors elle faisait tout disparaître. Mais, les élucubrations étaient encore plus têtues, elles recommençaient à chaque fois, à essayer tout et n’importe quoi. Et tout ça a duré encore plusieurs éternités. Comme visiblement elles ne savaient pas trop quoi faire de leurs vies, on a appelé cette période l’adolescence des élucubrations.

Enfin un jour, elles inventèrent le cerveau. Elles avaient mis ça sans trop y croire sur un truc un peu bancal qui avait du mal à tenir debout mais finalement, pour les élucubrations, ça a été le jackpot ! Le cerveau des hommes, c’était du pain béni pour atteindre la majorité.

Et maintenant qu’elles ont la majorité, eh bien, les élucubrations ont pris le pouvoir. Elles nous accompagnent dans l’enfance pour échafauder toutes sortes de futurs qui nous permettrons un jour d’être présent avant de finir dépassé.

Elles s’agitent en permanence dans les millions de velléités qui tournent en boucle dans nos têtes. Elles sont les architectes de tous ces châteaux en Espagne qui se construisent dans nos méninges, pierre après pierre. Elles précèdent toutes nos actions. Elles sont à l’origine de tout.

Pour le plafond de la Chapelle Sixtine, l’Hymne à la Joie, les Fleurs du Mal, la Relativité, mais Michel-Ange, Beethoven, Baudelaire et Einstein ne sont que des prête-noms.

Élucubration est devenu le mot fondamental qui gouverne tout, qui contient tout. C’est le mot divin, à la fois début et fin. C’est ce maelström vertigineux qui…. nous….

Mais je vois des sourires narquois se glisser sur vos lèvres. Vous me prenez pour un fou, un illuminé. Vous pensez que mes élucubrations sont abraquadabrantesques. !

Très bien, vous préférez persister dans l’erreur du plausible et du raisonnable. Soit, c’est votre choix et je le respecte. Alors quand même, laissez-moi vous dire ceci pour finir.

Le Trésor de la Langue Française nous enseigne qu’élucubration est un emprunt d’un mot du bas latin qui désignait « un travail fait de nuit ».

Eu égard aux trois insomnies consécutives que m’ont coûtées l’écriture de ces lignes, j’estime donc avoir honoré mon contrat…. dans tous les sens du terme.

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