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Atelier d’écriture du 24 février 2025
« FEUILLE »
Quand j’étais gamin, j’adorais marcher dans les feuilles mortes à l’automne. J’allais toujours me fourrer là où il y en avait le plus épais pour me régaler du fracas qui entourait mes mollets et des traces que je laissais derrière moi.
Mais ça, c’était jadis et ça m’a bien passé ! Maintenant les feuilles, elles me pourrissent la vie la moitié de l’année. Particulièrement depuis que le patron a eu ce contrat d’entretien avec la ville de Milly-la-Forêt ; là, c’est devenu un cauchemar.
Ah ! On peut dire que le maire fait honneur au nom de sa ville : des arbres, il en a fait planter partout. On voit bien que c’est pas lui qui ramasse les feuilles !
Du temps de mon père, il y avait des armées de balayeurs qui faisaient ça doucement, sans bruit. Ça prenait le temps qu’il fallait et tout allait bien. Maintenant, les citadins réclament des arbres à la mode écolo mais ils ne supportent plus de voir des feuilles par terre. Il paraît que ça met la ville en vrac, que ça cache les bordures des trottoirs et que c’est dangereux parce que les feuilles mouillées, ça glisse.
On nous a motorisé pour rendre notre travail moins dur : tu parles! Le résultat, c’est qu’on n’est plus que trois pour tout faire. Et encore je devrais dire deux parce que Raymond, lui, il reste tranquillement assis dans son camion-aspirateur, au prétexte qu’il est le neveu du patron ! C’est pas lui qui les porte, les soufflettes !
Il y a des riverains qui trouvent encore le moyen de se plaindre parce qu’on fait du bruit. Et quoi ! Vous croyez que même avec le casque j’en prends pas plein les oreilles, moi aussi ? Sans compter les vibrations du moteur qui me démolissent la colonne vertébrale !
Les gens pensent que de pousser les feuilles au souffleur, c’est à la portée du premier venu. Je voudrais bien les y voir, tiens, les jours où il y a du vent ! Et à, l’automne, c’est plus souvent qu’à son tour !
Et comment ils s’y prendraient pour déloger les feuilles aux pieds des murs en coin, là où elles reviennent toujours ? Ou bien quand elles sont gorgées d’eau et qu’elles s’attachent à la terre ?
Tant qu’on est dans le quartier de la Halle ça va encore, il y a beaucoup de marronniers, ça fait des grandes feuilles qui se poussent bien. Mais dès qu’on s’éloigne dans les rues pavillonnaires, c’est plein de bouleaux, d’acacias, de sorbiers, rien que des petites feuilles de rien du tout qui s’envolent dans tous les sens. Là, c’est du boulot pour arriver à les piéger, hein, croyez-moi !
Évidemment elles ne tombent pas toutes en même temps, ce serait trop simple, alors il faut passer plusieurs fois parce que si on attend, les gens râlent bien sûr!
Le pire, c’est sur la promenade qu’ils ont aménagée le long de l’École, là-bas au bord de l’eau, il n’y a que des saules. Ah, les saules ! Pour faire plein de petites feuilles, ils sont champions ! Ils sont les premiers à les mettre et les derniers à les perdre. On est obligé d’attendre le mois de décembre et avec le courant d’air qui suit la rivière, on s’y pèle à chaque fois pour aller les ramasser.
A la fin de l’année on pense que c’est fini, mais pas du tout. Avec les chênes par exemple, il faut ramasser les glands à l’automne mais il faut y retourner au printemps parce qu’il n’y a que les jeunes feuilles qui font tomber les vieilles. C’est la même chose pour les charmilles autour de la mairie. Charme ? Vraiment, je ne vois pas ce que ça a de charmant, des arbres comme ça !
Bon, vous me faites parler et voilà qu’il est déjà 10 heures ; c’est bien le moment de faire une pause. Et puisqu’on arrive à la rue Saint-Jacques, je vais en profiter pour aller à la boulangerie où j’ai mes habitudes. La patronne connaît mes goûts maintenant, dès qu’elle me voit arriver, elle me prépare mon mille-feuilles !
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