Boîte

Atelier d’écriture du 10 mars 2025 

« BOITE »

La boîte est le symbole du rangement. C’est un totem érigé à l’honneur du grand esprit de l’ordre. Une boîte pour chaque chose, chaque chose dans sa boîte.

Et ce n’est pas Marie-Claude qui me contredira, elle qui nous a dit un jour qu’elle a banni les boîtes de son bureau pour laisser aux choses la liberté de se déposer dans l’espace où elles en ont envie.

Les boîtes c’est fait pour classer, ordonner, regrouper, catégoriser. Les boîtes ça respectent fièrement l’étiquette.

Dans une boîte aux lettres par exemple, il ne viendrait à l’esprit de personne de mettre le O entre le C et le N, ce serait une insulte à l’ordre alphabétique !

Les boîtes à idées sont multiples. Il y a les biscornues pour les idées saugrenues, les molletonnées pour les bonnes idées qu’on veut garder au chaud, les hermétiques pour les idées qu’on ne veut plus entendre, les cadenassées pour les idées subversives…

Chaque idée dans sa boîte et le monde sera bien gardé. Évidemment, ça n’évite pas de faire des erreurs si on choisit mal le gardien. Si on n’avait pas confié la boîte à malice à Pandore, peut-être que le monde d’aujourd’hui tournerait un peu plus rond.

Dans la boîte où on travaille, c’est la même chose : il ne s’agit pas d’y mettre tous les employés en vrac. Il faut commencer par garnir le fond avec les petites mains et les grouillots, mettre dessus les sous-fifres avec leurs adjoints puis recouvrir avec des cadres bien alignés. D’ailleurs, au passage, pour que tout soit bien d’équerre avec les cadres, le mieux est de les faire passer avant dans la boîte à onglets, celle qui permet de ne pas tortiller du coude pour scier droit.

Alors et seulement à ce moment là, on pourra caler sur le dessus les chefs et leur sur-chef. Ne pas respecter cet ordre, c’est le meilleur moyen de faire couler la boîte.

Et dans les boîtes à livres, vous croyez qu’on met tous les mots en vrac ? Pas du tout, on les aligne proprement sur des pages, tous ceux de la même histoire et il s’agit de ne pas mélanger les chapitres ! Quand tous les mots sont bien reliés on dit que ça fait un livre et on range tous les livres côte à côte, le dos vers la vitre. Parce que les livres c’est pas comme nous, on les reconnaît mieux de dos que de face.

Dans la boîte aux images aussi, tout est bien rangé. Les téléspectateurs ne vont pas n’importe où.

Il y a des chaînes qui les canalisent pour aller jusqu’à leur point de vue, pour leur éviter de regarder des images qui les dérangent.

Tiens, il y a une boîte que j’ai oubliée, c’est la boîte à fumée. J’aurais pourtant dû la citer au début ; j’ai l’impression que c’est de celle-là que mon texte s’est échappé.

C’est vrai qu’il est un peu fumeux mon discours d’aujourd’hui, avec toutes ses idées qui s’empilent plutôt qu’elles ne s’emboîtent.

Alors oui, je vous autorise à vous moquer de moi, mais, s’il vous plaît, ne me condamnez pas.

Je préfère encore la mise en boîte à la mise en bière.