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Atelier d’écriture du 06 juin 2025 

« POUVOIR »

Pour exister, il faut prendre le pouvoir.

Il me semble que dans nos sociétés humaines, deux voies sont possibles pour prendre le pouvoir : se faire haïr ou se faire aimer. Quand on n’a pas la force d’imposer la première, il reste toute la vie pour acquérir la ruse d’aboutir par la deuxième…

Est-ce que c’est du haut des cimes que me descend sur la tête toute cette philosophie ? C’est possible, car autour de Barèges, des cimes il y en a beaucoup.

C’est la sixième année que nous revenons ici. Comme on disait au siècle dernier, ma femme vient y « prendre les eaux » : pour conjurer son asthme autant que pour soulager son avant-bras depuis qu’elle s’est cassé le poignet.

Moi qui ne me suis rien cassé, j’en profite pour faire une cure de sentiers. Chaque année, je viens mesurer l’effritement de mon pouvoir sur mon corps à l’échelle des courbes de niveau.

Des pentes brutales des Pyrénées, je garde en mémoire le souvenir de vacances avec un ami d’enfance : 1974, nous avions vingt ans ! Nous enchaînions les excursions : le Lac d’Artouste au-dessus de Laruns, le Pic Mourgat à Gavarnie, le Port de Vénasque sur la frontière espagnole. Mille mètres de dénivelé ne nous faisaient pas peur. Nous étions citadins, sédentaires, le souffle court, le cœur affolé, pleins de courbatures au réveil mais jamais nous ne doutions de notre machine organique. L’appétit faisait le reste.

Maintenant, je ralentis et mesure mon pas, je compte mes respirations pour épargner mon cœur et pour me consoler j’appelle ça la sagesse de l’âge. Hier matin, je suis monté depuis les rives du Bastan jusqu’à cette crête dans le Bois-de-Lis qui surplombe Barèges. Ouf ! 460 m de dénivelé positif en continu, 16 000 pas au compteur de mon téléphone à mon retour. A 71 ans, j’en ai été très fier toute la matinée …et très fatigué tout l’après-midi !

En montagne, c’est le froid qui tient le pouvoir et il n’est pas pressé de passer la main. S’il y a longtemps que le mimosa a déjà fané sur les bords de la Méditerranée, ici, le putsch des végétaux vient tout juste de commencer.

C’est la lutte dans les prairies. Chacun, chacune, pousse son épis ou sa corolle un peu plus haut que son voisin pour dévorer sa part de soleil. Dans la pénombre des sous-bois, la lutte des fleurs, même si elle est plus discrète, n’en n’est pas moins âpre pour attirer les butineuses.

Je connais même certains de ces drôles de coquelicots jaunes – que mon téléphone appelle « papaver alpinum » – qui doivent avoir maintenant la tête un peu enflée. Ils m’ont vu ramper à leurs pieds, me contorsionner et me tordre le cou pour les mettre en lumière au fond de ma boîte noire. Ils doivent se dire : c’est moi la star, je suis le plus beau, c’est moi qui ait eu le pouvoir de séduire ce paparazzi égaré !

Auréolés de gloire ou non, la semaine prochaine ils courberont la tête.

Tous les pouvoirs sont éphémères. Le seul pouvoir est celui de La Vie, ceux qui jaillissent par éclat dans nos petites vies dérisoires ne sont que des illusions.

Voilà que la philosophie des cimes m’entraîne à nouveau dans l’abîme du mot « pouvoir ». Si je devais en donner une définitions concise, je dirais : mot tentaculaire aux emprises insondables. C’est clair, non !

Et si, avec mon bavardage, j’ai eu le pouvoir de capter votre attention quelques instants, eh bien, c’est déjà ça.

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