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– Surtout pas mon prince, ils mettraient le feu à votre royaume. Mélucho est là parmi eux qui les attise contre vous.

– Ah ! Encore ce trublion ! Ouvrez cette fenêtre, mon bon Bruno, que je m’enquiers un peu de ce Mélucho. Voyons, où est-il ?

– Là-bas, mon prince, tout à votre gauche.

– Ah oui ! Du diable si j’entends quelque chose à ses discours ! Oh ! Mais c’est qu’il s’agite, le bougre. Il fait des grands tours de moulinet avec ses bras et cette mèche rebelle qui vole dans tous les sens dans ses grands mouvements de tête. Dites-moi, mon bon Bruno, vous ne trouvez pas qu’il a la frange insoumise, votre tribun ?

– Prince Manolo, vous ne devriez pas vous moquer ainsi, il a déjà rallié à lui les pourpoints jaunes.

– Bah, ces farfadets qui égayent nos ronds-points ? Allons Bruno, refermez cette fenêtre voulez-vous. Toute cette agitation m’empêche de réfléchir. Au moins, j’ai toujours le soutien de mes fidèles à qui j’ai donné l’administration de tous les comtés de la Macaronie.

– Mon prince, vous êtes trop dans vos grimoires, chez eux aussi, ça ronchonne et ça bougonne.

– Comment ça Bruno, quelle mouche les a donc piqués, eux aussi ?

– Ils trouvent que vous les ignorez et que vous n’allez pas assez souvent les voir quand ils se réunissent dans leurs châteaux.

– Ah, mon bon Bruno, c’est peut-être vrai, mais vous savez bien que je m’y ennuie à la cour des comtes. Mais il suffit, mon ministre ! Vous êtes bien maussade aujourd’hui, à me débiter tout ce fiel, je vous appellerai bientôt Bruno l’Amer ! Allons, arrangez-vous avec votre dette et remettez-moi en marche ces gargouilles. Vous savez bien que vous avez toute ma confiance, moi, je remonte à mes grimoires. Figurez vous que dans les manuscrits des alchimistes j’ai trouvé un traité très complet sur la dissolution qui me semble vraiment intéressant. Tiens, je me demande même si votre dette y résisterait. Il faudrait que je trouve un sujet pour mes expériences….

Et le prince Manolo remonta dans sa tour d’ivoire.

Cinq jour plus tard il n’en était toujours pas redescendu. Tout le monde s’inquiétait au palais. A la fin, le grand majordome n’y tint plus. Il monta dans la tour jusqu’au cabinet de travail du prince et fit sauter le verrou de la porte.

On devinait un grand désordre dans la pénombre de la pièce. Des feuillets couverts de formules cabalistiques étaient éparpillés sur le sol. Sur la table de travail l’alambic s’était renversé, maculant un vieux livre ouvert et le bec benzène orphelin continuait de brûler tout seul, faisant briller sur le sol les éclats d’un verre cassé. Sur la chaise du prince, une auréole bleuâtre finissait de sécher en son centre.

Quand la nouvelle se répandit que le prince Manolo s’était dissout, toute la Macaronie fût en liesse. Tout le monde était content de cette bonne affaire car un prince à dix sous, c’est pas cher !


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