Version « sérieuse »
La photographie un objet ? Non, c’est une action.
On se promène, en apparence comme tout le monde, la tête préoccupée, le regard plein d’habitudes mais, tapi sur la rétine, il y a quelque chose qui veille. C’est un peu magique, on ne sait pas comment.
Il suffit d’un rien, une ombre qui s’allonge, une lumière dorée qui s’accroche à la pierre, deux arbres au bord d’un chemin en courbe ou une arche qui s’ouvre sur un autre monde. Ça peut être aussi deux couleurs qui se répondent, une silhouette qui s’en va, un regard lointain, une mèche qui tombe sur une épaule. Il n’y a pas de règle mais d’un coup, voilà un cadre qui se met en place et qui en fait une île pleine d’intérêt où l’on veut accoster. L’envie de photo est née.
Il faut alors la capturer. C’est un peu violent, ça fait juste clic mais c’est très technique. Je n’aime pas que ce soit automatique, c’est moi qui choisit mes réglages, ça me rappelle les temps de l’argentique.
Et quand on aime, on ne compte pas, alors on en prend deux on en prend dix, une comme ci, une comme ça, parce qu’entre temps le vent a couché une herbe ou poussé un nuage. Ça ne coûte plus rien.
Ensuite on fait une pause ; c’est mieux de l’oublier un peu.
Jadis, on choisissait ses bains, la dureté du papier, on faisait des gestes cabalistiques sous l’œil de l’agrandisseur. Maintenant, autre temps, tout se fait sur l’ordinateur mais l’alchimie est toujours là. C’est un moment que j’adore.
D’abord, on redécouvre ses images. Quelques fois on reste indifférent, le charme a disparu, mais d’autrefois le plaisir est intact.
Il faut alors amener doucement cette image muette et terne que le capteur a saisie jusqu’au souvenir parlant qui enchante la mémoire. Là aussi, c’est très technique ; l’écran est plein de curseurs, de chiffres, de courbes, d’histogrammes, de mots ésotériques. Ça ne me gêne pas, j’aime toute cette mathématique qui se met au service de l’art.
Il arrive parfois que cette image que l’on croyait connaître, nous emmène là où on n’y pensait pas ; vers une mélancolie ou une rudesse que l’on n’avait pas vue. C’est un deuxième voyage.
Tout ça peut être long et souvent, une séparation – encore – a du bon. Après quatre ou cinq jours, c’est d’un autre œil qu’on la retrouve. Derechef, on assombrit un peu les verts d’un feuillage, on renforce la netteté d’un mur, on la rend plus joyeuse en la dopant d’un peu de lumière.
Un jour pourtant, il faut s’arrêter et pour se dédouaner de tous ces moments de bonheur égoïste, il faut la partager.
D’abord au club, avec ces frères d’armes dont les avis m’importent. Et puis avec la famille, les amis et peut-être même la jeter en pâture sur les « Rézociaux ».
Depuis longtemps déjà, elle ne m’appartient plus. Avec les yeux qui la regardent, elle parle une langue qui n’est pas la mienne. Ce n’est plus qu’une étrangère.
Et l’action est finie.
Ma plus belle photo ? J’espère la prendre bientôt.
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